.disk000 [SUMOTO.IKI - court central]
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BIORYTHME
Rolland Garros 2002 -
les joueurs s'avancent sur le court ocre - lunettes de soleil sur les nez de vieilles stars de la chanson - du cinéma - venues voir et montrer qui est - et qui n'est pas - tête de série -premiers échanges - suspensions dans la chaleur de l'après-midi - pas de pluie pour le moment - les rythmes sont clairs - filet - cassure - frustration - magie - pourquoi n'y avons-nous pas pensé plus tôt - cordes martyrisées - boyaux de porc disent certains - qui grondent en violents claquements - c'était pourtant une telle évidence - une ligne jaune et silencieuse se traçant sur la diagonale d'un ferme rectangle orangé - et cerné de nacre poussiéreuse - toute la tension de la victoire contenue dans une sphère gravée qu'on ne quittera jamais des yeux - toujours différente et pourtant toujours sacrée - dont le seul intérêt sera d'être dans les airs - de filer - toujours plus vite - entre cours - fascinante quand elle n'a pas touché le sol - ensuite invisible - perdue dans les petites mains d'un ramasseur de balles qui ne s'en souciera guère lui non plus - et puisque sa seule destinée est de voler - et par ce vol d'inventer un rythme - une musique - suspendue elle-aussi - aboutissement des études aléatoires - de toutes les thèses à effet papillon - l'ère open l'est donc depuis bien longtemps - sans que personne ne s'en rende compte - ou quelques médium qui laissèrent de côté leur vision - attendant d'être plusieurs - média - enfin.

TRAGEDIE SPORTIVE
s'il y avait des orgues - il devrait y en avoir - des trompettes et des timbales pour faire entendre à celui qui ne le voit pas qu'un drame sans nom se joue devant lui - et se joue vraiment - selon le time - que le destin d'un homme flotte entre deux nappes atmosphériques - tant ces coups frappés résonnent d'une importance capitale pour celui qui se trouve dans l'arène - jeux - tête à tête à têtes -
pour la plupart devant leur écran bombardé d'ions - car le loisir du gradin se mérite - siège - assaut - conquête de tous les côtés du filet - jusque dans les tribunes caniculaires - jusque sous les parapluies trempés - jusque dans les allées - les couloirs - les loges - le court - les rues - les immeubles - toute la ville alentour - les bureaux des ministres - les caisses des supermarchés - le pays - la planète - partout échange de frappe - sournoise - petite - autoritaire - vicieuse - confuse - ou tout simplement finale - 0-15.

CORPS A CORPS

6-6 -
car ça ne peut pas s'arrêter là
- puisqu'on ne sait rien à cet instant - puisque la balle est toujours en l'air - figée - stoïque - que le souffle d'une fashion victim de passage est coupé - et ne joue plus - le jeu décisif - alors qu'il faut se battre - se frotter - contre l'autre - contre le sol - car la terre entière est battue - et pleure le pouce tendu - victime - puisqu'il en faut une - que ça ne peut pas s'arrêter là - que les échanges finalement doivent se conclure - que nous ne sommes pas prêts à l'éternité de ces va-et-vient - qu'un homme sortira grand - et l'autre petit - car c'est la règle - rues - parapluies - bâches - un seul - ou alors personne ne regardera plus rien - aujourd'hui Marat Safin - subtil - plus que l'autre en tout cas - l'autre qu'on a oublié comme l'objet anonyme dans les petites mains du ramasseur de balles - 7-6 - ce serait si simple si c'était fini - classement - lutte qu'il faut que nous aimions et pourquoi s'y refuser - pourquoi revenir à nos rues - nos immeubles - nos bureaux - quand quelque chose peut se jouer - se décider - quand nous pouvons en être témoins - d'autres ne le sont pas - souvenez-vous de ça - d'autres ne le sont pas - et jamais ne tremblent du frisson du spectateur - d'autres s'en moquent - comment le croire - d'autres pourtant s'acharnent à la contemplation d'un combat différent - mais d'un combat tout de même - témoins eux-aussi - quoi qu'ils en disent - de la set action.
CHIENS LOUPS
rage - comme une bataille doit le faire -
échanges -
presque pas marchands - presque purs - sereins -
s'il n'y avait les trophées -
tous ces cortèges de sourires qu'on récoltera au bout du parcours - et l'assurance qu'on deviendra quelque chose - au lieu de rien -
donc on sortira les crocs - et les luttes seront impitoyables -
ne permettant plus la faute - criée si fort - couperet - disqualifiant l'errance de balle - tandis que le jeu entier pourtant - s'articulera autour d'elle -
sans elle plus que l'attente -
et comme l'attente seule n'est que néant - alors il faudra des extrémités - toutes celles qu'auront à atteindre les protagonistes de la tragédie - soudain loups - griffes dehors - croquant les chairs tendues - hurlant - bramant - sexués évidemment - on en reparlera.

DES HONNEURS
quelques jours plus tard -
la fatigue se fait sentir -
les corps devraient être abîmés - blessés - le sont pour la plupart - mais si personne n'en fait état - alors cela n'a pas d'importance -
seul compte le jeu - celui qui dure - et qui durera -
car le point n'est qu'une étape - ensuite le jeu - puis le set - puis le match - puis le tournoi - puis le grand chelem - ATP -
en deçà -
ce sera une défaite - une contre-performance - une performance contre - mais contre qui - seul devant l'exploit - un visage dans une tribune peut-être - mais qu'est-ce qu'il pourra bien y comprendre - tout ça est trop gros - c'est une vie - une vie qui s'affole - rétrospectivement qui se résumera à une suite d'échanges - de claquements - d'accélérations - de volées - de revers - de coups droits - de fautes aussi - de plus en plus vite - filant au-dessus d'un rectangle orangé - ce sera ça nos vies - des filaments clairs - imperceptibles - vainqueurs - que quelques ex-stars de cinéma suivront de la tête - tous ensemble - chorégraphie - mécanique - et à la fin un nom gravé - ou pas - sur le bronze d'une médaille -
  mais un nom qui ne sera pas apparu là par magie - qu'on aura conquis - point par point - au tie-break s'il le faut - épuisé - abattu - vidé - déchiré - mais en direct du sol en terre ocre - le contemplant à jamais - luisant - épitaphe - sur la plaque dorée d'une coupe - des honneurs - multiples - sans fin - post-mortem - ou déshonneur - tout court.

DES INTIMITES
que restera-t-il à la fin - de tout ça - des flashs - des fautes - des victoires - des couvertures - des directs -
quelque chose nous aura-t-il vraiment touché -
au-delà du décor -
nous étions seuls en réalité - l'un contre l'autre -
parfois nous pouvions presque nous toucher -
c'est toujours comme ça lors des grands combats - de ces combats où toucher l'autre - le blesser - n'est plus seulement une partie de la victoire - mais la pénétration d'une intimité - virile - sportive -
l'intimité d'avec le concurrent que l'on aime -
qu'on adule parfois - qu'on félicite - d'être tombé avant nous - qu'on voit aussi s'effondrant - songeant à autrefois - aux jours où nous nous effondrions - battus - étrange - leçon privée -
comme tout ça devient notre vie -
comme ces duels interminables deviennent le théâtre nerveux de nos existences - comme on ne saura plus réellement voir - sorti du terrain - qui est un adversaire et qui ne l'est pas - car toujours seul - toujours combattant - pour la beauté du jeu - pour que l'un de nous sorte grand - et l'autre petit - chacun courant pour le même titre - au-delà du nom gravé - tentant de libérer toujours mieux - toujours plus fort - la propulsion ultime - et d'atteindre - peut-être un jour - peut-être jamais - mais peut-être bientôt - la smatch perfection.
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