.disk005 [anDre - haute_tension] 1 les épineux ne semblaient pas - par la fenêtre - se soucier de la multiplication des écrans de mon intérieur - tout comme jamais ils n’auront conscience de mon souci de les cadrer - eux-aussi - comme le reste - les faire entrer dans des cadres - en définir les lignes de fuite - et toujours ramener le monde à deux invariables dimensions - cernées dans la rigueur d’un rectangle réducteur - au delà duquel s’épanouissait la terrible surface de l’inconnu - 2 je ne pouvais que constater que nous peuplions un monde rectiligne - c’était plus simple - c’était pour cette raison qu’il avait été dessiné comme ça - pour tracer des droites sur l’enfer courbé des lignes de niveau - sur la crête insensée des vagues - l’insupportable angle aiguë des montagnes - 3 si bien qu’il ne nous était plus permis de penser autrement que de manière esthétique - de la plus sale et de la plus honteuse des esthétiques - de l’esthétique symétrique - jusqu’à ce que tout ne soit plus que le reflet du reste - et que toujours il nous fallu des analogies pour n’avoir pas l’impression de ne pas posséder ce monde - d’en être exclu - d’être autre - puisque la seule chose importante - c’était d’être le bon - 4a nous nous changeons progressivement en fourmis - notre squelette se déplace à l’extérieur de notre corps - nos organes s’enfoncent plus profondément à l’intérieur de nous-mêmes - d’abord sous nos peaux - plus tard plus loin - nous redéfinissons notre perception du monde - nous pouvons tomber de hauteurs prodigieuses - et nous en sortir miraculeusement - indemnes - 4b nous avons six pattes - des antennes - transportons plusieurs fois notre poids en nourriture - transmettons l’information par les airs - inter-communiants en extase perpétuelle - accouchés à rythme soutenus - par dizaines - et l’abdomen disproportionné - de notre Reine - 5 la nuit - nous nous tordons de peur - car l’obscurité n’est ni droite - ni courbe - car l’obscurité n’est pas - ainsi nous nous en remettons à la chimie - et c’est au sodium que nous adressons nos souhaits de survie - s’il n’y avait la campagne noire - s’il n’y avait ces volumes de vides plongés dans des ténèbres sans lune - peut-être aurions-nous la certitude d’être seuls au monde - 6 il nous faut des lignes - pour cerner les alentours - n’en pas perdre une miette - et tout empiler - proprement - nous avec - nos voitures - se serrer - autour des feux orange - de la zone - 7 la première des pressions - le premier des dictateurs de nos consciences - est - sera - et restera toujours - notre environnement architectural - seulement - comme le reste - nous avons négligé son pouvoir - ainsi il convient de provoquer une translation des regards - en montrant - afin de ne plus regarder ce qui nous est donné à voir - ce qui - aussi puissant qu'on soit - agit sur nos organisations mentales comme un guide - un modèle - qu'il convient de choisir avec sagesse - et clairvoyance - car c'est avec sagesse - et clairvoyance - qu'on décide de qui on est l'esclave - 8 il faudra commencer par s'attarder sur le hasard - sur les perturbations - les accidents qui bouleversent l'ordre artificiel imposé au paysage - oublier le reste - redéfinir ce qu'il est important de remarquer - et changer de focale - aussitôt - 9a espérer que nous ne serons pas obligés d’appliquer des calques - grilles - insérer le monde dans de continuels tableaux - espérer que la lutte menée contre nos systèmes intérieurs n’aboutiront pas à la découverte qu’ils sont invincibles - 9b toujours combattre - ne pas se relâcher - sous haute tension - espérer constamment - n’en pas dormir - rattraper ce qui court - emporter avec nous ce qui stagne - mais espérer - perpétuellement - et passer le relais - à la fin.